Mélinda était fatiguée, elle avait besoin de vacances. C’est pourquoi elle décida de se rendre quelques jours chez Joséphine, sa maman. Mélinda se sentait fatiguée, terriblement fatiguée. Elle était littéralement sur les rotules et n’avait qu’une envie : dormir. Dormir pour ne penser à rien. Dormir pour ne plus penser tout court. Laisser quelqu’un de confiance s’occuper de tout le reste et prendre enfin du temps pour se ressourcer.
Voilà plusieurs heures qu’elle avait mal à la tête. Ce n’était pas une migraine, mais quelque chose de lancinant. L’intensité était faible, mais cela était dérangeant sur le long terme. Elle hésitait à prendre un cachet, elle qui n’était très « médicament ». Non pas qu’elle n’avait pas confiance en la médecine, mais plutôt que l’approche occidentale ne lui semblait pas très saine. De fait, le médecin occidental s’enrichit si vous êtes malade. À la différence de celui asiatique…
Celui asiatique ne gagnerait de l’argent que si vous êtes en bonne santé… Selon vous, lequel a davantage intérêt à vous garder en bonne santé ? La question est facile. Pendant que son cerveau vagabondait, Mélinda se sentait mieux. Elle n’avait plus de contraintes. Elle avait l’impression de retomber en enfance même si elle avait des réflexions d’adulte. Mais vous me direz, Mélinda a toujours été très mature, même étant jeune.
Vous l’aurez compris, son enfance n’a pas été facile. Elle passait davantage de temps avec les parents de ses copines qu’avec ses copines à elle. Difficile de s’intégrer dans un monde où elle était plus adulte que ses camarades, mais plus enfantine que leurs parents. Le temps, c’est ce qui l’avait sauvée en quelque sorte. La vie lui avait appris la patience et continuait sans cesse de lui enseigner cette leçon, encore et encore.
Mélinda décida alors d’écouter du jazz à la radio pour rester ancrer à la réalité. C’est ce que sa psychologue lui avait conseillé. Elle n’y croyait pas vraiment, mais les musiques sur lesquelles elle tomba avaient beaucoup de groove et lui donnaient envie de danser. Elle laissait son corps aller de droite à gauche, au gré de la musique et son regard parcouru la pièce dans laquelle elle se trouvait.
Elle était amoureuse, amoureuse de cet endroit. Même si l’on ne peut pas épouser un lieu, Mélinda en avait envie. Elle était très contemplative à ce moment-là. Elle était traversée par l’amour de ces musiques qu’elle écoutait et, à son tour, aimait tendrement l’endroit dans lequel elle se trouvait. Une sorte de partage, un échange, une libre circulation d’amour au travers de la matière. Si simple et pourquoi si puissant.
Elle ne voulait pas vieillir. Elle voulait ressentir à tout jamais ces sensations-là. Une sorte de paix mélangée à une joie pétillante et à de la douceur. Puis, peu à peu, le style de musique changea et Mélinda retourna sans le vouloir véritablement à la dure réalité. Elle était fatiguée et n’avait pas sommeil, mais elle se sentait moins invitée à faire. Elle était comme autorisée à se reposer, à prendre soin d’elle, enfin !
Elle voulut appeler son psychologue pour lui raconter ce qu’elle venait de vivre, mais se ravisa dans l’instant. Qu’aurait-il pensé d’elle si elle avait fait ça ? Le regard des autres encore… Mélinda se dit alors que s’il s’était moqué d’elle, elle en aurait changé pour en prendre un plus compétent. Mais, s’il avait pris son propos avec intérêt et considération, elle aurait pu continuer de travailler avec lui. Un « bon » professionnel, aurait-elle pensé. Très compétent…