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Mélinda en avait marre, elle saturait. Voilà maintenant plusieurs jours qu’elle passait à travailler sur un point juridique dont quasiment tout le monde se fichait. Mais pas elle. Mélinda avait à coeur de bien faire les choses même si cela ne lui rapportait rien… Du moins en apparence ! Elle sentait qu’elle devait faire cela maintenant. C’était une sorte de compulsion. Impossible d’être raisonnable, la raison n’avait tout simplement pas sa place ici.

Mais quand elle s’attelait à la tâche, elle avançait. Pas-à-pas, certes, mais elle avançait. Elle n’était ni juriste, ni informaticienne, mais elle faisait de son mieux. Elle se sentait bien après, mais guerre pendant. Car soit elle devait lutter, soit elle était concentrée. Mais d’où venait la lutte ? Quelle en était l’origine ? Mélinda le savait : c’était sa tête ! Quand elle écoutait son coeur, tout était fluide même si cela paraissait lent. Mais quand elle écoutait sa peur…

… Qui avait pour habitude d’aller de pair avec sa tête, elle avait l’impression d’être à l’arrêt. Immobile. Comme face à un mur, elle se sentait bloquée. Elle passait beaucoup de temps et d’énergie à essayer de faire preuve de discernement afin de sentir les baisses de fluidité et les réorientations nécessaires. Elle essayait de faire des petites pauses pour se laisser le temps de décanter. Mais soudain, elle eût comme un éclair de génie !

Elle se devait d’assumer sa volonté de bien faire quitte à ne pas avoir les mêmes résultats que les autres et à passer pour une « conne » à leurs yeux. Elle risquerait ainsi de baisser dans leur estime… Mais cela lui permettrait de monter dans la sienne. Et puis, il y avait autre chose. Elle sentait qu’elle devait y aller à fond ! S’investir pleinement, mais n’oubliant pas de s’avouer le voyage. Godere il viaggio, comme disent les Italiens !

En effet, cela faisait maintenant plusieurs années qu’elle sentait monter de la frustration. Elle se laissait facilement impressionner par ces personnes qui avaient « de la gueule » comme on dit, du charme quoi ! Face à une personne dotée de ces facultés-là, elle redevenait une enfant et buvait les paroles de son interlocuteur sans réfléchir. Mais avec le temps, elle avait connu beaucoup de déconvenues et commençait à ressentir le besoin de « rentrer dans le lard » des gens.

Mélinda aimait beaucoup parler en utilisant des expressions. Elle le faisait naturellement et trouvait cela très « riche » de sens et de significations. Une sorte d’ambiguïté permise par l’oubli de la genèse de ces adages populaires. Mélinda avait envie d’en découdre, d’aller au corps-à-corps. Calmement, simplement. Elle avait envie de dire les choses, de prendre des décisions et de responsabiliser les gens.

Ce matin, elle avait déjà tranché à trois reprises. Elle tirait sa force d’une très étrange sensation. Elle ne pouvait plus perdre son temps. Et, lorsque des moments d’accalmie se dessinaient, Mélinda rêvait, fantasmait, dans une sorte de demi-sommeil. Elle s’imaginait partir à la Paris, appeler l’une de ses vieilles connaissances, lui ordonner presque de venir la chercher à l’aéroport en prétextant qu’elle avait très fortement envie de le prendre dans ses bras et de l’embrasser.

Elle se voyait aller chez lui, et, lentement, tendrement, se montrer nus l’un à l’autre et faire l’amour avec une très grande douceur, emplie de simplicité. Elle savait pertinemment qu’elle n’était pas destinée à cela, que c’était sa tête qui lui jouait des tours, mais que c’était aussi son coeur qui lui faisait faire une pause. Cela lui faisait du bien. Elle se ressourçait quelque peu, mais elle ne devait pas oublier que cela ne devrait pas avoir lieu dans le monde réel…