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Mélinda avait des vacances de programmées. Elle n’a pas vu le temps passer et l’heure de faire ses valises a sonné. L’avion a décollé très tôt le matin et la voilà déjà à Perpignan. Une petite ville qu’elle avait choisie pour être au calme ; un choix qu’elle regretta aussitôt. Elle n’avait pas pris le temps de préparer ce voyage, et prise au dépourvu par son manque d’organisation, elle alla directement faire des courses après avoir récupéré son logement.

Au supermarché, elle croisa une jeune femme et elle en resta sidérée. Sidérée de bonheur tant elle était émerveillée. Cette jeune femme, qu’elle décida d’appeler Marie, était vêtue d’un pantalon à rayures et d’un pull sur lequel était représenté un tigre flamboyant. C’est d’abord la tenue de Marie qui a arrêté le regard de Mélinda, mais ce n’était que le début. Quand elle posa son regard sur le visage de Marie, ce fut pour Mélinda, un réel enchantement.

De fait, le visage de Marie était d’une très rare expressivité. Rempli d’humour, de joie de vivre et d’instant présent. Elle n’était pas lesbienne, mais elle sentait qu’elle pourrait tomber amoureuse de ce genre de personne. Une personne qui est capable, de par sa seule présence, de vous faire oublier à jamais tous les soucis du quotidien. Une personne qui vous ramène illico presto dans l’instant présent avec une violence des plus agréables.

Elle s’arrêta de bouger, comme figée en plein milieu de l’allée du supermarché. Des personnes passaient près d’elle et la frôlaient de justesse, mais ni elle ne les voyait, ni elle ne les sentait. Ses yeux étaient rivés sur ceux de Marie. Cherchait-elle le regard de celle-ci ? Mélinda ne saurait le dire, mais elle ne pouvait s’empêcher de la dévisager effrontément. Puis, le temps d’un court instant Marie la regarda, mais sans la voir.

Mélinda se sentait invisible. Tout comme une petite coccinelle, elle pouvait observer sans être vue. Une sorte de voyeurisme sans la peur de se faire prendre. À cet instant très précis, Mélinda aimait. Elle aimait sincèrement, véritablement une personne qu’elle ne connaissait pas. Sans doute avait-elle des défauts, comme tout le monde, mais Mélinda s’en fichait, elle l’aimait quand même.

Et ce fut la caissière qui la sortit de sa léthargie.

« Madame ! Madame ! Tout va bien ? Vous vous sentez bien ?

– Oui, oui, je vais bien. Pardon. Je rêvassais…

– Quelle idée de rêvasser au supermarché, ce n’est pas un lieu pour ça. En plus, en plein milieu de l’allée, vous ne voyez pas que vous gêner ? »

Mélinda se ressaisit et quitta du regard Marie. Elle se remit à errer sans but. Espérant recroiser sa belle. Ce qu’elle fit sans le faire exprès en se rendant aux caisses. Marie avait oublié de peser ses légumes et s’empressa de corriger ses erreurs. Non sans avoir, au préalable, fait toute une myriade de grimaces que Mélinda trouva délicieuses. Il y a quelques années, Mélinda aurait sans doute osé lui laisser son numéro. Mais pas aujourd’hui.

Pas aujourd’hui, car elle était mandatée. Elle avait une sorte de mission divine, celle de prendre du recul pour oser affronter sa peur de prendre une décision qui risquait de déplaire à plus d’un. Mais plus elle attendait, plus elle se laissait le temps, plus elle discutait avec des amis pour s’enquérir de leur avis, plus elle sentait une sorte de mélange de courage et de frustration monter en elle.

C’était décidé depuis longtemps. L’envie était présente en elle depuis des lustres. Mais aujourd’hui, à cet instant très précis, elle s’en sentait enfin la force. Était-ce dû à sa rencontre avec Marie, ou à tout autre chose ? Peu lui importait, car elle sentait que le moment était venu. Un peu comme si par le passé, elle avait reçu l’information bien en avance et qu’il fallait attendre qu’un ange vienne lui donner le top départ.